Histoire à la mode jacobine
Après la polémique sur les lois mémorielles, l'idée sinistre de faire parrainer par des écoliers les enfants déportés et tués
dans les camps de concentration, et après l'échec d'une tentative d'instaurer un culte de Guy Môquet, on aurait pu espérer que le Président de la République allait enfin laisser les historiens
faire sereinement leur travail, sans se voir imposer une Histoire officielle.
Las. Une fois de plus Nicolas Sarkozy a tenu à marquer son territoire, en décidant de créer une "Maison de l'Histoire de
France". Non seulement ce projet brouillon accumule les problèmes techniques - la "maison" est prévue sur le site même des Archives Nationales, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les
conditions de conservation de documents- mais il est une nouvelle tentative d'imposer une identité figée aux peuples et aux citoyens administrés par l'État français. Quand au choix du lieu, il
montre bien à quel point on fait prévaloir une vision de la mémoire sur le travail scientifique des historiens.
Cette conception de l'Histoire, vue comme une juxtaposition d'évènements mémorables plus que comme une explication du monde,
est aussi dommageable à l'enseignement de la discipline : manque de cohérence et de suivi des programmes, focalisation sur quelques passages obligés comme Versailles, qui prennent une
place démesurée et empêchent de boucler les programmes…
L'idée même d'histoire de France, qui n'a pas grand sens avant le milieu du Moyen Âge, tend plaquer des schémas tardifs sur
les réalités d'autres époques et à encourager le tropisme des Français à imaginer une France avant la France, incarnée par les Gaulois, les Mérovingiens ou encore le royaume formé après le
partage de Verdun, et comme si la France actuelle était l'aboutissement naturel d'une Histoire à sens unique.
Après le ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale, voilà donc une "Maison de l'Histoire de France", prolongement
plus sournois d'une politique d'assimilation et d'homogénéisation culturelle. On peut déjà prédire qu'il n'y sera fait aucune mention des dégâts causés par le centralisme et l'assimilation
forcée des peuples dominés par la monarchie puis la République française, que ce soient ceux d'Outre-Mer ou de "métropole". Le choix de Paris pour implanter cette maison symbolise bien la
permanence d'une conception jacobine et dominatrice de l'Histoire dans la classe politique française.
Pour la section francilienne de l'Union Démocratique Bretonne, le pouvoir doit cesser d' instrumentaliser l'Histoire pour en
imposer sa vision réductrice et intolérante, et doit arrêter de perturber le travail des historiens en général et du personnel des Archives en particulier. Nous leur apportons d'ailleurs notre
soutien pour leur lutte contre le projet.
Section Paris-Île de France de l'Union Démocratique Bretonne.